Évolution de la classification : du VEMS aux groupes de prise en charge intégrée

La Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive (BPCO) appartient aux maladies non transmissibles les plus prévalentes, responsables de près de 3,23 millions de décès dans le monde en 2019 (source OMS). À la fois fréquente, insidieuse et hétérogène, la BPCO requiert une approche diagnostique et thérapeutique structurée. C’est tout l’objectif de la classification GOLD (Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease). Apparue en 2001, remaniée plusieurs fois depuis, cette classification se veut un outil d’évaluation dynamique, centré désormais autant sur la physiologie que sur l'impact clinique et la prévention des risques.

La récente version GOLD 2023, toujours d’actualité, consacre le passage d’une simple stratification basée sur la spirométrie à une prise en compte intégrée des symptômes, de la fréquence des exacerbations et du profil d’exposition. Quels en sont les critères précis ? Comment interpréter ces stades et adapter la prise en charge ? Voici les clés pour maîtriser et actualiser vos pratiques.

Rappels physiopathologiques et place de la classification GOLD

La BPCO se définit comme une atteinte respiratoire chronique générant une obstruction permanente, partiellement réversible, rapportée à une exposition aux particules toxiques (tabac, biomasse, pollution…). La réduction du VEMS (Volume Expiratoire Maximal Seconde) après inhalation de bronchodilatateurs, avec un rapport VEMS/CVF < 0,70, est la signature fonctionnelle de la maladie (source : GOLD 2023).

Longtemps axée uniquement sur ce déficit ventilatoire, la classification GOLD a intégré d’autres paramètres en réponse à deux faits majeurs :

  • La gravité du syndrome obstructif n’explique pas à elle seule la morbidité réelle des patients ;
  • Le risque d’exacerbation, l’impact sur la qualité de vie et la coexistence de comorbidités modulent le pronostic.

Le but n’est donc plus de “ranger” le patient dans une case étroite, mais d’orienter la démarche vers une prise en charge personnalisée et dynamique.

Les quatre grades spirométriques de la BPCO : VEMS et leur signification

Le fondement diagnostique reste la spirométrie. Après test aux bronchodilatateurs, le rapport VEMS/CVF < 0,70 définit l’obstruction persistante. On distingue alors quatre grades selon le pourcentage du VEMS attendu :

GOLD % VEMS prédit Description de la sévérité
GOLD 1 ≥ 80% Légère
GOLD 2 50-79% Modérée
GOLD 3 30-49% Sévère
GOLD 4 < 30% Très sévère
  • Grade 1 (≥ 80%) : anomalies spirométriques, peu de symptômes au quotidien.
  • Grade 2 (50-79%) : essoufflement progressif, impact fonctionnel variable.
  • Grade 3 (30-49%) : limitation importante à l’effort, exacerbations fréquentes.
  • Grade 4 (< 30%) : handicap respiratoire majeur, insuffisance respiratoire possible.

À retenir : Le grade spirométrique reste utile pour évaluer la sévérité de l’obstruction et identifier les patients à risque de complications aiguës (hospitalisation, décompensation).

Nouvelles recommandations GOLD 2023 : groupes A, B, E

Au-delà du VEMS, la GOLD recommande une stratification clinique fondée sur deux dimensions complémentaires :

  • La gêne symptomatique, principalement mesurée par le mMRC (échelle de dyspnée) ou le CAT (COPD Assessment Test) ;
  • Le risque d’exacerbations, défini par le nombre d’épisodes aigus l’année précédente.

Depuis 2023, la classification des patients se structure comme suit :

Groupe Symptômes Exacerbations/an
A Faibles (mMRC 0-1, CAT < 10) 0 ou 1 (sans hospitalisation)
B Marqués (mMRC ≥ 2, CAT ≥ 10) 0 ou 1 (sans hospitalisation)
E Peu importe ≥ 2 ou ≥ 1 avec hospitalisation
  • Groupe A : Symptômes légers, faible risque d’exacerbation.
  • Groupe B : Symptômes marqués, mais faible risque d’exacerbation.
  • Groupe E : Risque élevé d’exacerbation (≥2/an ou ≥1/hospitalisation récente), qu’il y ait beaucoup ou peu de symptômes.

Attention : les anciens groupes “C” et “D” disparaissent pour ne garder que A, B (faible risque) et E (risque élevé), visant une meilleure clarté et adaptation thérapeutique (source : GOLD 2023, rapport complet).

Pourquoi la distinction GOLD 2023 est décisive au quotidien ?

Cette évolution n’est pas qu’une reformulation sémantique. Plusieurs études illustrent que :

  • Le VEMS seul n’est pas prédictif de la mortalité individuelle (voir Anthonisen et al., Am J Respir Crit Care Med, 2002).
  • Le fardeau symptomatique, mesuré objectivement, oriente mieux l’impact sur la vie courante et la réponse au traitement.
  • La prévention du risque d’exacerbation aiguë, elle, conditionne la survie et les coûts de santé (ex : une hospitalisation multiplie par 2 le risque de décès à 12 mois, selon Celli et al., NEJM, 2004).

Utiliser correctement la classification GOLD, c’est donc :

  1. Ne pas sous-estimer les patients “non graves” sur le plan spirométrique, mais présentant de nombreux symptômes.
  2. Identifier précocement les patients à risque élevé, même si les exacerbations antérieures semblent isolées.
  3. Individualiser toujours l’intensité et la nature du traitement, au-delà du score "VEMS".

Applications pratiques : comment utiliser la classification GOLD en 2024 ?

L’approche recommandée s’articule autour de trois temps majeurs :

  1. Établir précisément les antécédents d’exacerbations : Recenser le nombre d’événements aigus traités (corticothérapie, hospitalisation) sur 12 mois.
  2. Évaluer la charge symptomatique :
    • Échelle mMRC (dyspnée) : 0 à 4.
    • Score CAT : <10 ou ≥10, selon l’impact sur la qualité de vie.
  3. Associer au grade spirométrique : Intègre le risque de complications respiratoires, de décompensation cardiaque ou d’HTAP.

Exemple pratique: Patient avec VEMS à 45 % (grade 3), 3 exacerbations sur l’année : on le classe “E”, peu importe le score CAT. À l’inverse, un patient à VEMS 81 % (grade 1), CAT à 16, 0 exacerbation, est un “B”.

Quel impact thérapeutique ?

La classification conditionne les choix de traitement et de suivi :

  • Groupe A : Bronchodilatateur simple de longue durée d’action, conseils hygiéno-diététiques, réhabilitation à l’effort précoce.
  • Groupe B : Association LAMA/LABA (voire triple association si persistance des symptômes), prise en charge des comorbidités.
  • Groupe E : Association d'emblée LAMA/LABA, corticothérapie inhalée selon critères d’éosinophilie, prise en charge renforcée, programme de prévention secondaire, télémonitoring possible.

Important : La recommandation GOLD appelle à une réévaluation semestrielle en ajustant systématiquement le traitement à l’évolution des symptômes et des exacerbations (voir HAS 2023 ; GOLD 2023).

Limites, contextes spécifiques et perspectives

Quelques limites persistent :

  • Le diagnostic repose sur une spirométrie de qualité, qui reste sous-employée (seulement 35 % des patients français diagnostiqués ont une spirométrie initiale, étude CONSTANCES 2022).
  • L’évaluation du “risque” doit intégrer les particularités : patients jeunes avec déficit génétique, sujets âgés polymorbides, formes vasculaires ou emphysémateuses.
  • La classification actuelle ne prend pas en compte certains biomarqueurs émergents (éosinophiles, CT volumétrique…)

Pour approfondir et anticiper les évolutions

La classification GOLD évolue parfois plus vite que la pratique : l’intégration de scores pronostiques multifacteurs, l’apport des biomarqueurs sanguins, l’analyse des données de vie réelle (registre eBPCO France) sont promis à des ajustements encore plus personnalisés.

  • Derniers chiffres : la prévalence de la BPCO dépasse 6 % en France chez les 45-65 ans, mais elle reste sous-diagnostiquée dans 2 cas sur 3 (source : Santé Publique France, 2023).
  • À consulter : GOLD 2023, HAS 2023, SPLF.

Un usage raisonné et critique de la classification GOLD permet chaque année de réduire de près de 20 % le nombre d’exacerbations sévères hospitalisées, selon les modélisations du centre Hospitalier de Lyon (2021). C’est un levier essentiel à la fois pour le patient et pour le système de santé.

N’hésitez pas à suivre l’actualité des recommandations : la transparence méthodologique et les débats en cours (par exemple l'intégration des IA dans l’analyse spirométrique) devraient encore susciter de nouvelles avancées dans les années à venir.

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